Wine Tasting, Vineyards, in France: La Révolte des Vignerons de l'Aube (1911)

Les habitants de Bar-sur-Aube se sont toujours intéressés à la viticulture.
Dès le 12ème siècle, les moines cisterciens avaient introduit des pieds de vigne originaires de Hongrie, bien adaptés au climat septentrional de la Région.

Les foires de Champagne ont sans doute favorisé le développement de cette activité. Elles avaient institué le droit de gourmetage par lequel des " courtiers - jaugeurs " conduisaient les marchands forains dans les caves pour goûter les vins et s'assurer si les tonneaux contenaient la jauge " gros-bar ". Les gourmets étaient responsables du prix envers le propriétaire et de la qualité auprès des acquéreurs.

1911 - La révolte des vignerons de l'Aube

Le phylloxéra fait son apparition dans l'Aube en 1888, ruine le vignoble et entraîne la disparition progressive des vignes françaises. De 1895 à 1912 la superficie du vignoble aubois a diminué de plus de la moitié (en 1900 : 14.741 ha - en 1912 : 5.642 ha).
Il faut donc replanter. Mais cette reconstitution est lente et coûteuse et le vignoble ne retrouvera pas son importance antérieure (aujourd'hui 6 600 ha).

Le vigneron aubois, quant à lui, est un petit propriétaire (en général moins de 2 ha de vignes) qui fabrique un vin blanc léger et bouqueté vendu soit pour la consommation courante, soit à des négociants marnais.
Le prix de vente en est faible (22 à 45 F l'hl entre 1899 et 1910) et très inférieur au prix du vin marnais (60 à 200 F l'hl à la même époque).

A ces causes profondes viennent s'ajouter des causes plus conjoncturelles (très mauvaise récolte en 1910 ; hiver très rude ; vente de plus en plus difficile des vins pour la consommation courante.
Aussi, tous les espoirs sont-ils tournés vers les négociants marnais).

Or, c'est dans cette période difficile que l'Etat met en place un Décret de délimitation (Janvier 1909) qui exclut l'Aube de la Champagne viticole.
Ce décret est complété par une loi de finances votée le 6 février 1911 qui interdit aux vignerons aubois de vendre leurs vins à la Marne en vue de la champagnisation.

Cette réglementation, anéantit tous les espoirs et tous les efforts mis dans la reconstitution consécutive au phylloxera. Le mécontentement est à son comble dans l'Aube viticole, la colère va bientôt gronder.

LA REVOLTE

La lutte s'organise autour d'un homme qui va se consacrer tout entier à la défense de la cause des vignerons, qui va savoir galvaniser les forces, maintenir l'unité et obtenir une large solidarité départementale. Cet homme c'est Gaston CHEQ né le 14 janvier 1866 à BAR SUR AUBE et dont le quotidien " le Temps " parle en ces termes le 21 mars 1911 : " Les vignerons ont à leur tête un petit homme sec, énergique, décidé, qui mène la bataille avec une activité de diable. On le voit partout à la fois. Il a l'oeil à tout, dirige tout, tout s'efface devant lui. Il est le chef ".

Gaston CHEQ crée en Février 1911 LA LIGUE DE DEFENSE DES VIGNERONS AUBOIS regroupant les Comités locaux organisés dans chaque commune viticole.
Son but est d'obtenir sans délais et sans conditions la réintégration de l'Aube en Champagne comme en témoigne cette devise inscrite sur les macarons rouges que portaient les vignerons dans les manifestations

Champenois nous fûmes
Champenois nous sommes
Champenois nous resterons
Et ce sera comme ça !

Cette lutte sera longue : plus de 5 mois de grève administrative, de réunions, rassemblements, manifestations, occupation par l'armée. Elle aboutira au recul du gouvernement qui saisira le Conseil d'Etat du dossier de la révision de la délimitation de la Champagne viticole.

Un calme apparent s'installe alors dans le vignoble où chacun attend la décision du Conseil d'Etat. Mais si les vignerons ont fait preuve sans relâche d'une détermination remarquable, il leur faudra encore attendre 16 années pour obtenir pleine et entière satisfaction. C'est en effet par la loi du 22 juillet 1927 que les communes viticoles de l'Aube seront réintégrées et auront droit à l'Appellation " Champagne " pour leurs vins.